Manu Ferneini | Tempête immobile

Au Liban, j’ai toujours ressenti que le temps n’existait pas. Le moment présent est comme suspendu, figé entre les problématiques non résolues d’un passé sanglant et les perspectives invisibles d’un futur absent. Cette faille temporelle s’est creusée davantage avec l’effondrement de l’économie en 2019 puis l’explosion du 4 août, un an plus tard. Ces deux événements ont déclenché une troisième vague d’exode massif de la population, notamment de la jeunesse libanaise, vers l’étranger.
Avec un appareil analogique moyen format, dont l’utilisation m’oblige à m’ancrer dans le moment présent, je cherche les traces de ces espaces-temps à peine perceptibles sur les visages de ceux qui, par choix ou malgré eux, vivent encore dans ce pays. Ces photographies de rue sont une tentative de conserver la mémoire d’une Histoire qui n’avance plus, qui est déjà figée avant même d’être photographiée.

In Lebanon, the present moment seems frozen between a bloody past and an absent future. With a medium format analog camera, I look for traces of this temporal rift. These street photographs are an attempt to preserve the memory of a suspended history.

BIO | Manu Ferneini est une photographe libanaise de 23 ans, titulaire d’une licence en photojournalisme et photographie documentaire obtenue à l’Université des Arts de Londres. Après avoir obtenu son diplôme en 2019, elle est retournée dans son pays natal, le Liban, où elle couvre les événements sociaux et politiques, à la fois pour des organes de presse internationaux (« Der Spliegel », le « Washington Post »…) et dans le cadre de sa pratique photographique personnelle. Ses photographies s’articulent autour de notions d’identité sociale, qu’elle soit établie, construite ou imposée ; et autour du réel et des réalités alternatives.

Manu-Ferneini

ÊTRE FEMME PHOTOGRAPHE
” Le fait d’être photographe dans son pays natal a des avantages : connaissance de l’environnement, du contexte culturel… Mais je suis soumise en permanence aux regards masculins, prédominants dans l’espace public, et c’est un défi personnel de ne pas afficher, parfois, une discrétion excessive. Je ne me sens pas toujours en sécurité, pas aussi libre que je le souhaiterais : il faut souvent justifier sa présence aux hommes et exprimer ses intentions innocentes. “

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