Germaine Chaumel | Hommage

La France occupée

Germaine Chaumel devient avec la Seconde Guerre mondiale une « photographe de la guerre ». Elle en montre les répercussions et les drames, sans voyeurisme, dès le 3 septembre 1939, date de la déclaration des hostilités entre la France et l’Allemagne : le baiser fougueux d’un réserviste sur le départ, les tranchées creusées par la défense passive, des soldats au repos, les réfugiés par milliers…
Après l’Armistice, elle se plie, avec recul, à l’exercice ingrat de photographier le régime de Vichy et sa propagande : les défilés d’anciens combattants, le culte de la personnalité du maréchal Pétain entretenu dans les écoles, etc. Mais elle s’attache avant tout à documenter le quotidien des Français : les privations des années noires ; les files d’attente interminables ; les familles dispersées, les enfants perdus. A Toulouse toujours, Germaine suit les mères réfugiées qui déposent des messages sur la façade de l’hôtel de ville, place du Capitole. Elle accueille une famille juive d’Anvers, les Nahum, qu’elle cache chez elle jusqu’en 1942.
Toutes ses images ne suffisent pas à la faire vivre, elle et ses deux enfants, Charles ayant été fait prisonnier en mai 1940. Elle poursuit parallèlement son travail de portraitiste dans son appartement-studio. Sous l’Occupation, il y a un grand besoin de photos d’identités pour refaire ses papiers. Parmi ses clients des collaborateurs notoires comme de grands patriotes. Ces heures sombres s’achèvent à la Libération : elle fixe sur la pellicule la foule venue acclamer les nouvelles autorités issues de la Résistance, puis la visite officielle du Général de Gaulle. Elle continue à travailler pour des journaux de la Libération en 1944-45.

BIO | Germaine Chaumel, née le 22 novembre 1895 à Toulouse, est une femme curieuse et active au tempérament artistique. Après avoir été dessinatrice, pianiste, chanteuse d’opérette sous le nom d’Anny Morgan, elle se prend de passion pour la photographie. Autodidacte, elle se forme grâce aux travaux de Brassaï et Man Ray, ses références. Elle crée en 1936 avec 11 autres photographes, tous des hommes, le Cercle photographique des XII. L’association a pour but de parvenir à l’excellence dans la photographie artistique et ses membres participent à de nombreux concours.
Mariée en 1919, elle divorce en 1923 – alors qu’elle a un petit de quelques mois –, et se remarie avec Charles Chaumel, le grand amour de sa vie. Ensemble, ils ont une fille en 1925. Son appartement familial devient un véritable studio et ses enfants, ses modèles de prédilection. Sa grande compétence photographique l’amène à travailler pour la presse dès 1936 (« La Garonne », « Paris Soir », le « New York Times »…). Elle est pendant la guerre l’une des rares photographes à pouvoir approcher Pétain puis de Gaulle. Elle s’est intéressée à tous les sujets : le photoreportage, l’art, le sport, la mode, le nu, le portrait – de vedettes ou d’inconnus. Mais elle n’aimait pas les photos volées. Elle travaillait à cent à l’heure, et plus encore quand il fallut subvenir aux besoins de sa famille quand son mari fut mobilisé, puis fait prisonnier.
Elle voyage en 1947 dans l’Italie détruite par la guerre avec sa fille, élève aux Beaux-Arts. En 1949, elles traversent l’Espagne en voiture. Deux femmes seules, en voiture, à l’étranger, ce n’était pas très courant !
Elle a été une femme d’avant-garde et de passions, élégante, gaie, sensible, courageuse, résiliente, toute en modestie et sourire, ne recherchant ni notoriété ni mise en avant. Elle aimait apprendre et seul son propre regard comptait.
Dans la dernière partie de sa vie elle se dédia à d’autres passions comme la confection de chapeaux (elle s’installa comme modiste), l’histoire, et la cuisine vers 80 ans ! Elle s’éteint le 12 avril 1982, entourée de ses enfants et petits enfants

Germaine Chaumel

ÊTRE FEMME PHOTOGRAPHE
“Elle faisait ce qu’elle voulait, sans polémiquer. Elle menait sa barque comme elle l’entendait, ce qui à son époque n’était pas simple pour une femme.”
– Pilar Martinez Chaumel, la petite fille de Germaine Chaumel

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