Christine Spengler | La marraine du festival 2020

BIO | Au Tchad, à l’âge de 25 ans, avec l’appareil photo qu’elle emprunte à son frère Éric, Christine Spengler découvre sa vocation en photographiant deux combattants Toubou armés de kalachnikovs qui, main dans la main, se dirigent au front. Elle décide d’apprendre son métier sur le terrain : « Je deviendrai correspondante de guerre pour témoigner des causes justes. » Pendant trois décennies, elle photographie en noir et blanc le deuil du monde. Avec son seul Nikon doté d’un grand angle 28 mm, elle couvre pour les plus grands magazines

Les conflits majeurs du XXe siècle : Tchad (1970), Irlande du Nord (1972), Vietnam (1973), Cambodge (1975), Sahara occidental (1976), Iran (1979), Nicaragua et Salvador (1981), Liban (1982), Afghanistan (1997), Irak (2003). En 2016, elle publie de bouleversantes photographies de la « jungle » de Calais et de migrants sans-abri dans les rues de Paris.

À chaque retour de reportage, pour exorciser la douleur de la guerre, elle réalise des pho- tographies lumineuses inspirées par son enfance madrilène et le musée du Prado ainsi que par le travail de sa mère, l’artiste surréaliste Huguette Spengler. « Avec ces photomontages colorés, j’ai trouvé le moyen d’abolir la barrière entre les vivants et les morts », précise Christine Spengler.

Sa carrière de photographe, d’artiste plasticienne et d’écrivaine* fut récompensée par de nombreux prix, et son travail exposé dans des musées de renommée internationale.

Nommée en 2007 chevalier des Arts et des Lettres, elle est la première femme photographe à être décorée des insignes de chevalier de La Légion d’honneur en 2009. En 2016, la Maison européenne de la Photographie (MEP) lui consacre une rétrospective: « l’Opéra du monde (1970-2016) » qui réunit les années de guerre et les « années lumière ».

Christine Spengler est représentée par « l’Espace Philippe Artidor ». Ses photographies de presse sont diffusées par l’agence Getty Images via la collection Sygma.

* Une femme dans la guerre, (Ed. des femmes / Antoinette Fouque).

L’espoir au milieu des ruines

Rétrospective des photographies de guerre de Christine Spengler

À l’exemple du grand photographe de guerre Robert Capa, je décidai dès le début de ma carrière de fuir le sensationnalisme pour m’intéresser davantage aux survivants qu’aux morts. La perte tragique de mon jeune frère Éric à l’âge de 23 ans me rendit solidaire du deuil du monde que je photographiai en noir et blanc dans tous les conflits que j’ai couverts durant trois décennies.

Ma photographie rend hommage aux survivants, en particulier aux femmes et aux enfants. On oublie si souvent le rôle tellement important des femmes dans la guerre, où que ce soit. Avec mon cœur de femme, j’ai toujours essayé de capter les lueurs d’espoir.

Le fait d’être femme photographe, brune de surcroît, me permit d’entrer en osmose avec les femmes endeuillées qui me tendaient d’un regard suppliant les photos de leurs « martyrs » au Liban, en Irak ou en Iran afin que je les photographie. D’où ce regard frontal qui caractérise mon travail et prouve que je n’ai jamais volé une photo de ma vie, ni encore moins volé leur âme. Car la permission de les prendre en photo, je la lisais dans leurs yeux.

Je suis « la combattante qui a toujours su voir et photographier l’espoir au milieu des ruines ».*

* Allocution du ministère de la Culture, Renaud Donnedieu de Vabres, en 2007, lors de la nomination de Christine Spengler au titre de chevalier des Arts et des Lettres.

ÊTRE FEMME PHOTOGRAPHE
“Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le fait d’être une femme dans la guerre a toujours été un avantage pour moi. Même dans les situations les plus dangereuses – l’Iran de Khomeyni ou l’Afghanistan des talibans -, j’ai pu occulter mon appareil sous mon voile pour prendre des photographies qui auraient été interdites aux hommes. Pour exercer ce métier, il faut avoir le courage et la détermination d’un homme, pourtant mes photographies emblématiques je les ai prises avec mon cœur de femme…”

Christine-Spengler-credits-Sylvain-Julienne-Philippe-WarnerChristine-Spengler, © Sylvain Julienne - Philippe Warner

Christine-Spengler-Managua-1980

Christine-Spengler-Irlande-du-Nord-1972