Grand prix LFSE / sur la condition des femmes

Membres du jury : Patrick Codomier – Agence VU’, Camille Simon – L’Obs, Marianne Baroso – Sipa, Delphine Bruggere – AFP, Sandra Auger – Reuters.

Anne Kuhn | Héroïnes

SYNOPSIS | Est-on jamais libre ? Est-ce la petite fille livrée très tôt à elle-même qui se pose déjà la question ? Ou la jeune mère idéaliste prisonnière des tâches domestiques ? Ou encore l’adulte désormais consciente de sa part de responsabilité ? La liberté est-elle relative à nos contraintes, nos choix, nos erreurs, notre expérience ? Certaines héroïnes de la littérature m’ont permis de réfléchir à la question. Subordonnées à un monde masculin, victimes de leur condition ou de l’époque, mais aussi en proie à leurs propres tourments, nombres d’entre elles ne peuvent influer sur le cours de leur existence. En deux photos, je donne à ces femmes la possibilité de modifier leur destin, ramenant leur histoire à un contexte plus que jamais d’actualité. Se pose instantanément nombre de questions :« Est-il toujours aussi difficile pour une femme de s’affirmer en toute indépendance ? » « L’ascenseur social est-il toujours réservé à une minorité ? » « Peut-on éduquer sans se tromper ? » Ou, tout simplement, « Qu’attendre au juste ? », « Quelle issue face au dépit ? »… J’ai posé ces questions à d’autres femmes pour savoir ce qu’elles en pensaient. En incarnant face à mon objectif des héroïnes de la littérature, elles ont pu y réfléchir, y répondre, et supposer qu’on ne naît pas libre, on le devient… ou pas. En photographiant des femmes, je m’interroge sur leur liberté, et la mienne par la même occasion, tout en invitant le public à se joindre au débat.

BIO | Autodidacte, je mêle à la photographie l’écriture, pour raconter une histoire ou tendre un miroir introspectif au spectateur. Après avoir travaillé avec Merce Cunningham et un parcours de danseuse professionnelle, la photo s’est imposée début 2000. Tout d’abord portraitiste sous contrat avec Gamma, j’ai également travaillé comme photographe de plateau où mon univers a pris forme et pour lequel je puise mon inspiration dans la construction baroque et l’éclairage contrasté propres au XVIIè siècle. Une rencontre sera décisive dans ce qui deviendra désormais ma forme d’expression : « Prenez soin de vous » de Sophie Calle me révèle la possibilité de raconter une histoire personnelle à un public anonyme. Dès lors, les sujets m’apparaissent clairement inspirés par ce que je vis ou par ce que j’éprouve, poussée par une recherche permanente de justesse et d’équilibre.
https://www.annekuhn.fr/

Prix OBS / Production d’un reportage photo publié en portfolio dans L’Obs

Membres du jury : Véronique Rautenberg – L’Obs, William Daniels – photographe, Eric Karsenty – Fisheye, Giuletta Palumbo – Magnum, Audrey Hoareau.

Amélie Landry | Cité vigilante – Le nouveau contrôle citoyen

SYNOPSIS | Au cours d’un précédent projet – Les Chemins égarés – qui m’a amenée à sillonner le territoire français, j’ai été à plusieurs reprises frappée par une série d’interpellations : des anonymes me demandaient de justifier ma présence dans l’espace publique.

Dans cet espace qui a priori appartient à tous, une personne qui n’est pas en mouvement, est – peut-être – suspecte. Suspecte d’être là, sans activité claire et identifiable. L’espace publique se limiterait-il à un espace de circulation ?

Cette forme de contrôle, je l’ai également expérimenté en traversant des quartiers d’appellation « Voisins Vigilants ». Cette fois, sans interpellation, c’est moi qui me sentais suspecte, dans un léger malaise.

Cité Vigilante propose d’interroger ces dispositifs et la position des citoyens qui s’engagent dans ce type de surveillance. On ne verra pas dans les images des forcenés ou des paramilitaires… Mais des hommes et des femmes qui nous sont familiers. A cette nuance près, qu’on ne peut plus les qualifier de « simples citoyens », ils sont désormais des intermédiaires au maintien de l’ordre.

BIO | Née en 1981, Amélie Landry étudie les Arts appliqués à Toulouse puis se spécialise en multimédia, à l’Institut des arts de diffusion de Louvain-la-Neuve. Parallèlement à sa formation à l’IAD, elle suit pendant trois ans des cours de photographie à l’Académie de Molenbeek (Bruxelles). L’année 2011 est le point de départ du projet au long cours « Les Chemins égarés », rendu public en Janvier 2017 sous la forme d’un livre aux Editions Bec en l’air, d’une création radiophonique produite par France Culture et d’une exposition à la Galerie VU’.
http://www.amelielandry.com/

Prix Nikon / Révélation photographique, sur le thème de l’environnement

Membres du jury : Toan Pham – Nikon, Cécilia Bourdet Aranda – AFP, Marie Bojikian – Marie-Claire, Guillaume Herbaut -photographe.

Stéphanie Buret | A la recherche du Paradis Blanc presque perdu

SYNOPSIS | 2017 marque les 100 ans de la promotion touristique suisse. Une image idéalisée de la Suisse et des paysages alpestres synonymes de paradis terrestre, c’est ce qui permet de convoiter en masse les marchés asiatiques notamment. Ces dernières années, vu le manque de neige significatif, des alternatives sont en effet créées afin d’attirer d’autres sources de revenus que ceux liés à la pratique du ski. Face aux mythiques sommets (comme le Cervin) et sur les glaciers qui fondent à vue d’oeil, les touristes déambulent par centaines, non plus à la force des jambes comme les alpinistes de l’époque, mais grâce aux meilleures technologies du monde (téléphériques ou trains à crémaillère) qui les emmènent au « Paradis » en quelques minutes chères payées. Sur ces hauteurs, j’y découvre des « non-lieux », dont fait référence Marc Augé quand il parle de ces espaces où « l’individu s’éprouve comme spectateur sans que la nature du spectacle lui importe vraiment. Comme si le spectateur en position de spectateur était à lui-même son propre spectacle. » Il s’agit d’une Disneylandisation de la Nature, un monde de jouissance au cœur du Paradis blanc (ou pas) devenu récemment accessible. Une révolution urbaine est en effet en train de se jouer en altitude. Des téléphériques high-tech, des ponts suspendus, des restaurants, des vitrines, des musées, des objets d’art, des spectacles, des installations à sensations transforment le paysage des cimes. La montagne se désacralise. Dans le même temps, une autre vision de la montagne se développe : le retour de l’authentique et de la vie en harmonie avec la nature, la recherche d’espaces purs. Dans cette veine, des hôtels écologiques de luxe se créent comme le « Whitepod » ou le « Chetzeron ». A ces nouvelles représentations de la Nature et des Alpes en Suisse, s’ajoute une des plus grandes révolutions écologiques de ces derniers siècles : le réchauffement climatique. Les glaciers suisses fondent si rapidement, que le Glacier du Rhône qui recèle une grotte glaciaire, se pare de couvertures blanches en été, afin de ralentir sa disparition. Des corps momifiés dans un glacier ont également été retrouvés cet été, particulièrement chaud. Et cette tension dramatique sublime le « Paradis » presque perdu… Le désenchantement fait place à la quête éperdue d’un passé bientôt révolu, à cette mélancolie proustienne et à l’imagination romanesque.

BIO | Ethnologue de formation, Stéphanie Buret a d’abord travaillé dans l’humanitaire avant de s’intéresser à la photographie. Basée à Genève, elle développe des reportages documentaires depuis 2015. Elle s’intéresse particulièrement aux constructions d’identité et aux mutations sociales dans un contexte de transition ou de dictature. En 2016, elle réalise un reportage sur l’Erythrée qui obtient une reconnaissance internationale. En 2017, elle obtient le 3ème prix du Travel Photographer of The Year. Stéphanie Buret est membre du studio Haytham Pictures depuis 2018.
http://www.stephanieburet.com/

Prix SAIF / Un regard artistique original sur la ville dans tous ses états.

Membres du jury : Pierre Ciot,- SAIF, Yan Di Meglio – Galerie Intervalle, Anaïs Viand – Fisheye, Véronique Rautenberg – L’Obs.

Leslie Moquin | Shanghai Cosmetic

SYNOPSIS | À Shanghai les phénomènes esthétiques semblent intégrés à l’univers de la production, de la commercialisation et de la communication. Partout sont diffusées des images du bonheur, de la beauté, d’une nature épanouie : sur les écrans qui parcourent les tunnels du métro, sur les façades à LED des buildings, sur les tablettes et les smartphones que tout le monde possède. Dans le même temps, les notions de compétition, d’efficacité, de mobilité, de vitesse, de performance sont au cœur de la dynamique sociale. Shanghai Cosmetic traduit mon expérience de cette ville, marquée par ses excès, son exubérance, son bruit, sa pollution. Shangai Cosmetic joue le mimétisme esthétique de la saturation visuelle et l’image révèle autant l’artifice que la fascination qu’il exerce.

Shanghai Cosmetic est un projet réalisé entre octobre et décembre 2013, dans le cadre d’un programme de post-diplôme entre l’ENSP, le Shanghai Institute of Visual Art et l’école Offshore (Yilan et Paul Devautour). Il a donné lieu à l’auto-édition d’un livre de posters (shortlist du LUMA DUMMY BOOK AWARD en 2015), à plusieurs expositions (Institut français d’Amsterdam lors d’UNSEEN (2014), Agnès b. (2015)) et publications (British Journal of Photography, TAFF MAG …)

BIO | Leslie Moquin est née en 1986. Après une Hypokhâgne et une Khâgne, elle obtient un master de Relations Internationales à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. En 2010, elle entre à l’École Nationale Supérieure de la Photographie d’Arles, elle en est diplômée en 2013. La même année, elle part à Shanghai dans le cadre d’un programme de post-diplôme avec le Shanghai Institute of Visual Art et l’école Offshore de Paul Devautour. Ses récents projets l’ont conduite au Kurdistan irakien et dans les Caraïbes colombiennes. Son travail photographique se nourrit de ces voyages et déracinements et ménage l’équivoque entre approches plastique et documentaire. Elle s’intéresse aux contextes sociaux, culturels ou politiques de ces territoires choisis pour en dégager l’originalité esthétique et faire émerger une poésie lucide, sur-mesure. Ses photographies ont dernièrement été exposées aux Rencontres d’Arles, au 104 à Paris lors du festival Circulation(s) ou au MAMBO (Musée d’Art Moderne) de Bogota en Colombie.
http://www.lesliemoquin.com/